La santé des forêts en France – l’IF, synthèse périodique de l’inventaire forestier

L’IF, c’est quoi ?

Depuis une quinzaine d’années, l’IGN et le département de santé des forêts (DSF) du ministère de l’agriculture et de l’alimentation collaborent afin de déterminer l’état de santé des forêts françaises. L’inventaire forestier fournit les données de terrain sur la mortalité, les essences ou les conditions écologiques. Le DSF analyse ensuite ces données (identification des bio agresseurs – champignon, insecte, virus).

Dans son dernier numéro d’information, l’IF, l’IGN dresse une synthèse sur la santé des forêts françaises et son évolution.

Ces dernières années, la succession d’hivers doux et d’été chauds et secs n’ont pas été sans effet. Bien entendu l’ampleur des phénomènes diffère selon les essences et les régions. Le document analyse aussi plus finement trois essences particulièrement affectées : le châtaignier, le frêne et l’épicéa commun.

Le contenu de la synthèse

Jean-Yves HENRY nous donne les informations principales à retirer de ce document :

Cette synthèse met aussi en lumière quelques données, au final rassurantes sur l’avenir de nos forêts. Elles concernent notamment le rôle prépondérant joué par la gestion :

La mortalité des arbres

  • La mortalité d’arbres est un indicateur de bonne santé des écosystèmes forestiers. Pour autant, une forêt comptera toujours des arbres morts. Cependant son augmentation sera préoccupante lorsqu’elle touche des arbres dominants en croissance libre.
  • Les arbres morts en forêt représentent 3,5 % du stock de bois sur pied. Si le volume des arbres vivants est en hausse continue depuis 35 ans (+60  %), celui des arbres morts, stable jusqu’en 2017, augmente depuis moins de 5 ans sous l’effet de différents stress climatiques ou sanitaires. L’évolution est significative pour les petits bois. En revanche, elle ne l’est pas pour les moyens, gros et très gros bois.
  • Parmi les arbres, près de 95  % ont moins de 5 % de branches mortes. Cet état affecte plus nettement les feuillus (5%) que les résineux (2%). En effet, ils sont physiologiquement prédisposés à avoir des branches mortes. Il n’y a pas de différence significative de mortalité des branches selon le diamètre des arbres.
  • La gestion est un facteur d’amélioration de la santé des forêts. Sur la période 2015-2019, le rapport entre le volume de bois mort sur pied et le volume total (mort et vivant) est près de deux fois plus élevé dans les forêts privées sans plan simple de gestion  (PSG) (environ 5 %).
  • Au cours de ces 5 dernières années les essences présentant les plus forts taux d’arbres morts sont le châtaignier, l’acacia, le frêne, le pin sylvestre et l’épicéa commun. De manière générale, ce taux a tendance à augmenter pour les feuillus, tandis que celui des résineux demeure stable.

Les maladies et parasites

  • Le châtaignier subit différentes maladies exotiques, dont le chancre et l’encre, depuis plus de 70 ans. La cause principale est l’abandon de la gestion des vergers et taillis touchés par le chancre dans le Sud de la France. Dans la partie Nord de la France, le châtaignier présentait un bon état sanitaire. Cela vient du fait que le chancre y était moins présent jusqu’à ces dernières années. Ce constat est à nuancer depuis 2010 car la fréquence des hivers doux et des étés secs engendre une explosion des foyers d’encre.
  • Sous l’effet de la chalarose, le volume des frênes morts sur pied a plus que doublé en moins de 10 ans. Il était de moins de 2 m3 avant 2015, aux débuts de la chalarose, découverte en 2008. En 2018, il est à presque 5 m3. Le taux d’arbres morts reste malgré tout dans la moyenne (3,8 %). La chalarose affecte beaucoup plus les petits bois que les autres classes de diamètre. A noter que dans les peuplements en mélange le stock d’arbres morts a fortement augmenté entre 2011 et 2017 (de 1 Mm3 à 4 Mm3), alors que dans les peuplements purs ce stock reste stable (1 Mm3  d’arbres morts et 30 Mm3 d’arbres vivants),
  • L’épicéa commun connaît la plus forte mortalité annuelle parmi les résineux. Il représente 0,8 million de m3/an sur la période 2010-2018, soit 10 % de la mortalité nationale toutes essences confondues. Il est principalement présent dans l’Est de la France et le Massif central. Les étés chauds et secs des années 2018 à 2020 ont en effet favorisé les attaques de scolytes. Cela a ensuite entraîné une forte mortalité, particulièrement à moins de 800 m d’altitude.

Quelles sont les menaces pour la santé des forêts française ?

Le chancre du châtaignier

Il est dû à un champignon originaire d’Asie. Ce champignon est introduit aux USA en 1904. Il apparaît en France dès 1956 et est désormais présent sur toute l’aire de la châtaigneraie. Ce parasite provoque des chancres et entraine le dessèchement des parties situées au-dessus. Il existe un virus qui diminue sa virulence : cet hypovirus est dorénavant bien installé dans les peuplements de la moitié Sud de la France où les chancres sont en cours de cicatrisation.

L’encre du châtaignier

Elle est due à des micro-organismes proches des champignons et originaires d’Asie du Sud-Est. Ils sont arrivés en France à la fin du XIXe siècle, causant de gros dégâts dans la châtaigneraie à fruit. A partir des années 2000 commencent l’alternance de périodes humides et sèches, l’adoucissement des hivers et certaines pratiques culturales. Les foyers d’encre se sont alors multipliés en forêt. Le réchauffement climatique profite largement à ce pathogène qui provoque la mort des arbres par destruction racinaire.

La chalarose du frêne

Elle est due à un champignon asiatique détecté pour la première fois en 2008 en Haute-Saône. Depuis il a colonisé l’ensemble du territoire métropolitain. Ses conséquences sont catastrophiques : les jeunes sujets meurent rapidement. De plus, les nécroses au collet induites chez les arbres plus anciens les fragilisent en quelques années. L’avenir de l’espèce comme essence de production est aujourd’hui incertain.

Les scolytes de l’épicéa

Ce sont des insectes présents à l’état endémique en forêt où ils ne s’attaquent qu’à des arbres affaiblis. Quand les conditions changent (abondance de chablis frais, arbres affaiblis par les sécheresses, canicule), ils pullulent et s’en prennent aux arbres sains. Même lorsque les conditions de leur développement disparaissent, les dégâts continuent le temps de voir apparaître un cortège antagoniste. Ces insectes creusent des galeries dans la fine couche de bois sous l’écorce pour y déposer leurs œufs. Cela condamne ainsi les arbres.



Crédit Photographique : IGN, IF