Patrick RIBOUTON d’EPICUREAM vous livre ses impressions sur le prestigieux classement de Saint-Emilion 2022.
Une noble ambition : « rien n’est jamais acquis »
Créé en 1955, tout juste 100 ans après le référencement 1855 des crus du médoc, le classement de Saint-Emilion s’est construit par opposition à son aîné. Son objectif : réunir le meilleur du monde ancien et moderne en définissant une hiérarchie des crus, mais en envisageant une révision décennale pour bien signifier qu’à Saint-Emilion, contrairement au Médoc, rien n’est jamais acquis.
Une vision dynamique, se voulant stimulante pour les Domaines qui doivent redoubler d’efforts pour rester au palmarès ou tenter d’y entrer.
C’est donc tous les 10 ans que les Crus Classés rendent des comptes et remettent en jeu leur titre. Les candidats au référencement ont ce même horizon pour caresser l’espoir de pénétrer le saint des saints.
Que d’obstacles à franchir !
Premier sésame : payer son inscription. 21.000 euros pour concourir au classement des « premiers Crus » ; 14.000 euros pour prétendre au renouvellement ou à l’accession de « Grand Cru Classé ».
En second lieu satisfaire de multiples éléments d’analyse : la qualité des vins produits, la notoriété (les prix de commercialisation, les modalités de distribution, la capacité et la qualité de la réception du public…), les caractères de leur terroir et de leur vignoble
Les agences de communication et les entreprises de travaux se frottent les mains. Si la présentation du Domaine et la constitution du dossier ne sont pas les éléments essentiels, ils concourent néanmoins à le placer favorablement sous les feux de la rampe.
Concourir est un acte courageux. On ne devient pas « Grand Cru classé » par hasard.
Mais un classement qui n’a pas su rallier les icônes à ses valeurs…
L’ambition de départ est évidemment louable, mais l’exercice, terriblement complexe, connait bien des limites. Les critères, leur hiérarchie et les modalités d’organisation font rarement l’unanimité.
Les enjeux économiques du référencement sont majeurs. Ils ont un impact direct sur la valorisation des vins et donc sur la valeur économique d’une propriété. Par construction, la dégustation verticale des millésimes en est l’élément central. Mais c’est aussi un jugement assorti d’une plus grande subjectivité que celle d’un terroir d’exception.
Certains Domaines déçus ou désabusés n’ont pas hésité, par le passé, à faire reconnaitre judiciairement des défauts de licéité ou d’intégrité des précédents classements.
Pour 2022 certains Crus, parmi les plus fameux, ont tout simplement refusé de concourir. Ausone, Cheval-Blanc sont des absents terriblement remarquables.
L’excellence s’appréciant par le haut, certaines voix comptent plus que d’autres. Chacun s’interrogera sur la puissance et la reconnaissance d’un classement qui n’a pas su rallier à ses valeurs ses plus illustres icones.