Rapport d’information d’août 2022 conjoint de la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ainsi que de la Commission des affaires économiques du Sénat.
EPICUREAM synthétise pour vous ce remarquable document réalisé par le Sénat, après consultation de professionnels des secteurs concernés. En voici les principaux éléments et les propositions phares.
1. EXTENSION ET INTENSIFICATION DU RISQUE INCENDIE MENACENT LA CAPACITÉ DE RÉSISTANCE DE LA SÉCURITÉ CIVILE
Depuis les années 1980, une stratégie française d’attaque massive sur feux naissants a fait ses preuves. Il y a au moins cinq fois moins de surfaces brulées chaque année sur la période 2015-2020 (8 000 hectares) que sur la période 1980-1989 (42 000 hectares) !
Cette évolution est d’autant plus remarquable que le risque climatique et le combustible en forêt ont augmenté significativement… Et que ces deux critères ne vont pas aller en s’améliorant.
L’efficacité de la stratégie de lutte, qui a fait de la France un modèle partout en Europe et dans le monde, ne suffira pas face à l’émergence de feux hors norme :
- Parmi les plus grands incendies ayant touché la France ces 40 dernières années, 3 se sont déclenchés en 2021 et 2022. Il s’agit des premiers incendies de plus de 5 000 ha depuis 2003,
- En cas de feux simultanés, comme en Gironde à l’été 2022, les coûts environnementaux et socio-économiques des incendies pourraient s’accroître de façon exponentielle.
2. PRÉVENIR LE RISQUE INCENDIE DE FORÊT ET DE VÉGÉTATION EN MOBILISANT L’ENSEMBLE DES POLITIQUES PUBLIQUES
Des constats : anticiper, aménager le territoire, gérer la forêt durablement, aménager et valoriser la forêt au niveau du massif, mobiliser le monde agricole, sensibiliser les usagers, financer et équiper la lutte incendie à la hauteur du risque, financer la reconstitution de forêts plus résilientes – avec des propositions phares :
- Mieux évaluer la « valeur du sauvé » pour mieux calibrer les moyens de prévention et de lutte contre l’incendie. Ceux-ci devraient en tout état de cause être significativement accrus (doublement à prévoir pour la prévention),
- Revenir sur les 500 suppressions de postes de l’ONF prévues d’ici à 2025, pour rétablir des postes d’agents de la protection de la forêt méditerranéenne. Redéployer plus de personnels sur la défense des forêts contre l’incendie (DFCI) hors de cette zone,
- Encourager l’élaboration d’un plan de protection des forêts (PPFCI) dans les territoires classés à risque d’incendie. C’est la pierre angulaire de la politique de prévention au niveau local,
- Adapter les modalités de mise en oeuvre du débroussaillement selon la nature du risque et la réalité des territoires,
- Rendre la franchise obligatoire dans les contrats d’assurance habitation en cas de non-respect des obligations légales de débroussaillement. Accroître son montant au-delà de la limite maximale actuellement prévue,
- Abaisser le seuil d’obligation des documents de gestion durable pour la forêt privée à 20 hectares (contre 25 à ce jour). Adapter les effectifs du Centre national de la propriété forestière (CNPF) (dynamiser la gestion forestière),
- Intégrer aux objectifs des chartes forestières de territoire ou des plans de massifs la prévention du risque incendie, afin de faire de la structuration de filières en circuits courts un atout dans la connaissance et la gestion des massifs,
- Instaurer un droit de préemption des parcelles de forêt sans document de gestion durable et présentant un enjeu au regard de la défense des forêts contre l’incendie, au profit des communes s’engageant à intégrer la parcelle au régime forestier,
- Permettre au préfet de prescrire la réalisation des travaux agricoles (moissons…) la nuit en cas de risque incendie « très sévère ». Compenser le cas échéant les agriculteurs pour les coûts induits (hausse des charges, récolte détériorée),
- Lancer une campagne de communication sur la prévention au niveau des préfets et des élus à l’automne et à l’hiver, notamment en matière de débroussaillement,
- Mobiliser le budget des collectivités territoriales pour recruter, former et équiper des jeunes du Service national universel (SNU), afin de prévenir et sensibiliser les usagers en forêt lors des périodes à risque,
- Augmenter le budget de la protection civile pour permettre l’acquisition de moyens aériens (avions et hélicoptères) à la hauteur du risque et s’appuyer, en tant que de besoin, sur la location d’appareils,
- Augmenter significativement, dans un cadre pluriannuel, la dotation de soutien de l’État à l’investissement des SDIS, pour permettre notamment l’acquisition de véhicules et leur renouvellement,
- Conditionner l’aide de l’État à des choix d’essences et de gestion adaptés au risque incendie (par exemple en maintenant des pare-feux, en expérimentant des corridors de feuillus ou une moindre densité de peuplement).
Quelques informations à connaître :
- 7,3 millions d’euros : c’est la valeur moyenne sauvée par incendie de forêt par l’intervention des pompiers dans les Bouches-du-Rhône (étude mars 2021)
- 500 000 hectares et 20 000 propriétaires s’inscriraient dans une gestion durable et multifonctionnelle en cas d’abaissement du seuil obligatoire à 20 ha
- 90% des feux sont d’origine humaine
- Au moins 50 millions d’euros de besoin de financement public pour le seul reboisement de la forêt privée autour de Landiras et La Teste-de-Buch